CF Evolution, mentor coach professionnelle

Aidants familiaux : quels impacts sur une organisation de travail ? Partie 1/2

" Le danger, ce n’est pas ce qu’on ignore,
c’est ce que l’on tient pour certain et qui ne l’est pas. "

Mark Twain

Rivière représentant le flot de choses à faire lorsqu'on est aidant familial.

Partie 1/2 Le collectif : entre environnement professionnel et environnement personnel

Dans le cadre de mon activité professionnelle, je suis spécialisée dans le coaching de transition et de soutien. Sensible au sujet du handicap et de la maladie, je m’investis régulièrement dans des actions de formation, réflexion et professionnalisation. A titre personnel, je suis moi-même aidant familial. Ce regard croisé me semble intéressant pour étudier le sujet retenu. Au quotidien, je fais le constat de conséquences possibles dès la survenue d’un évènement majeur significatif, tels que la maladie, l’incapacité à travailler (temporaire, définitive) par exemple, quel que soit le niveau de proximité par rapport à l’évènement ou l’organisation. Une forte proportion de mes clients (de 30 à 75% en fonction des périodes) est confrontée au handicap ou à la maladie. L’exploration du contexte de l’individu au sens large (professionnel et personnel) permet une meilleure compréhension des enjeux, contraintes, aspirations, et leviers.

Pour commencer, il convient de poser le cadre d’aidant familial : il s’agit d’une personne venant en aide à une personne dépendante et/ou handicapée faisant partie de l’entourage proche ou choisie par la personne. Il n’existe pas de cadre légal général à ma connaissance mais une certaine reconnaissance pour l’aidant familial d’une personne en situation de handicap (R245-7 du Code de l’action sociale et des familles).   Du point de vue de l’organisation, le collectif est « un groupe social formé d’individus en interaction ayant un but collectif (Sciences sociales)», où peuvent coexister des divergences. De ce fait, l’environnement, en perpétuel mouvement, peut être soit professionnel soit personnel. Par environnement professionnel, j’entends ici les différentes parties prenantes du monde du travail tels que les employés, prestataires, fournisseurs, actionnaires, syndicats, clients, mais aussi la direction, quel que soit le lien de rattachement contractuel, salarié ou non salarié. C’est bien dans ce contexte que se retrouve le travail qui peut être défini comme « l’ensemble des activités humaines organisées, coordonnées en vue de produire ce qui est utile ». Chaque métier peut être exercé dans des environnements variés, structurés et organisés ; l’organisation peut prendre différentes formes : associations, entreprises privées, institutions publiques… L’individu est une des composantes de l’organisation.

Concrètement, l’aidant familial peut se retrouver tirailler entre la nécessité de garantir des besoins fondamentaux (sécurité matérielle dont financière par la rémunération perçue en contrepartie d’un travail effectué) et la nécessité d’être reconnu socialement par l’appartenance à un collectif en général, un collectif de travail en particulier. L., la trentaine, mère de deux enfants, exerce comme assistante commerciale dans un cabinet d’assurance. Elle termine une formation afin d’évoluer en interne et prendre d’avantage de responsabilités. Vivant à proximité de chez sa mère souffrant d’Alzheimer, elle gère des crises de démence qui se multiplient et s’intensifient. Son état se dégrade. L’évolution de la maladie déséquilibre l’organisation au quotidien. L’une de ses difficultés majeures est de faire face à une crise, puis de mobiliser ses ressources rapidement. Son objectif : aller travailler et « faire illusion » pour assurer l’accueil des clients et offrir la meilleure qualité de service possible. Le risque principal réside dans la dégradation de sa propre santé, tant sur le plan physique que psychique. Elle exprime un frein possible à son évolution professionnelle, malgré des compétences avérées, à cause de l’image que perçoit sa hiérarchie : stress, fatigue, manque de fiabilité (horaires, disponibilité, flexibilité). Parfois l’urgence l’emporte sur les obligations contractuelles.

Par environnement personnel, j’entends ici ce qui se rapproche de la sphère privée au sens large. Comme il n’existe pas de définition à proprement parlé, je choisis un axe extra professionnel, en dehors du champ de l’activité professionnelle. Je ne souhaite pas limiter uniquement à la famille ou au cercle amical. Etre aidant familial impacte forcément l’organisation du quotidien autour et « à cause » de la personne aidée. Une perception biaisée, comme la peur d’être jugé, la crainte du regard de l’autre, la pression sociale, peut générer une difficulté à faire face à un collectif, à s’intégrer à celui-ci, créant, accélérant, favorisant une sorte d’isolement. Parfois l’incompréhension d’un moment, la complexité du contexte, le manque de moyen ou de connaissances sont autant de freins pour gérer au mieux une situation. L’environnement personnel impacte favorablement ou défavorablement selon le niveau de cohésion familiale (dans le sens soutien), de désengagement voire de rupture, pouvant aller jusqu’au risque d’exclusion sociale dans les cas les plus extrêmes. Le cas de Y. illustre les conséquences en cascade d’un évènement isolé au départ : perte du permis de conduire suite accident avec alcoolémie positive (récidive), licenciement (déplacement avec matériel nécessitant conduite d’un véhicule, emploi soumis à obligation d’un permis de conduire valide), divorce, perte logement (sans domicile fixe), rupture familiale, problème de santé et le cercle vicieux s’installe…

A l’inverse, l’épreuve personnelle peut devenir un moteur pour lancer son entreprise. P. trouve les ressources pour créer son association et en devenir salariée. C’est une solution acceptable selon elle afin de garder le contrôle sur les contraintes, faciliter l’organisation, créer un contexte de travail favorable. En évaluant ses besoins, elle compose le cadre idéal autour de la personne à aider. Elle devient libre de gérer son temps, ses responsabilités. Sa satisfaction au travail se révèle et rend possible son évolution professionnelle et son épanouissement. Elle se sent plus forte pour gérer sa situation personnelle. Le cercle vertueux s’autoalimente.

Prochainement, la seconde partie    

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